Se rassembler, réveiller la gauche et combattre l’antisémitisme, vraiment !

Se rassembler, réveiller la gauche et combattre l’antisémitisme, vraiment !

L’appel du collectif Golem en Belgique répond à la nécessité de créer un lieu de ralliement pour tous les juives et juifs de gauche, humanistes ou libéraux progressistes qui souhaitent faire entendre leur voix et prendre résolument part à la lutte contre l’antisémitisme, en sortant de ses impasses actuelles.

L’appel du collectif Golem en Belgique répond à la nécessité de créer un lieu de ralliement pour tous les juives et juifs de gauche, humanistes ou libéraux progressistes qui souhaitent faire entendre leur voix et prendre résolument part à la lutte contre l’antisémitisme, en sortant de ses impasses actuelles.

Carte blanche publiée sur le site du journal Le Soir le 08/02/2024

La création du collectif Golem en Belgique répond à la nécessité de rassembler les nombreux juives et juifs de gauche, antifascistes, humanistes, libéraux progressistes pour que leur voix puisse être pleinement exprimée et entendue.

Nombre d’entre nous sont issus des mouvements de jeunesse et des écoles juives de Belgique. Nous avons fréquenté ces écoles comme enfants – et puis parfois comme parents. Notre socialisation politique de gauche a démarré dans l’un de ces mouvements de jeunesse. Nos ambitions de carrière sportive se sont échouées sur les bancs du Maccabi basket ou football. Nous avons souvent par la suite exercé des responsabilités au sein de l’Union des Etudiants Juifs de Belgique et d’autres organisations de la communauté juive de Belgique.

Notre conscience antifasciste, notre engagement contre l’antisémitisme, contre le racisme, contre l’extrême droite se sont notamment forgés à travers l’héritage du « comité de défense des juifs » et des nombreux résistants juifs contre l’oppresseur nazi. Et en admirant les combats menés par David Susskind et d’autres pour la libération des juifs d’URSS ou contre le Carmel d’Auschwitz. Nos mémoires portent encore les larmes versées lors de l’assassinat d’Itzhak Rabin, à l’horizon d’une solution de paix juste et durable qui semblait alors plus que jamais – et surtout plus qu’aujourd’hui, devant l’engrenage de la violence et de l’horreur, insoutenable – à portée de main.

Alors que les juives et juifs de Belgique sont nombreux à porter cet héritage, riche des principes de liberté, d’égalité, de solidarité, d’internationalisme et d’amitiés entre les peuples, fort d’un engagement simultané dans la « rue juive » et dans la société belge, il est grand temps que cette voix soit portée et entendue.

Nous le constatons, la lutte contre l’antisémitisme fait aujourd’hui face à de nombreuses impasses. Face à ces difficultés, rien ne permet à ce stade d’enrayer véritablement l’isolement et l’angoisse quasi existentielle auxquels font face les juives et juifs de Belgique. Nous sommes donc convaincus que le moment est venu de rassembler les juives et juifs de gauche, antifascistes, humanistes et libéraux progressistes.


Une autre voie est possible. Et nécessaire.

Il est temps de se rassembler, de réveiller la gauche, et de lutter contre l’antisémitisme, vraiment !

Au-delà du déni, pour une prise en compte réelle de l’antisémitisme

Nous ne nous trouvons pas représentés par les discours qui n’ont cessé depuis plusieurs années de minimiser la réalité de l’antisémitisme, véritable angle mort de leur antiracisme, négligeant ses spécificités, et participant ainsi à sa faible prise en compte par le mouvement antiraciste et les partis de gauche.

Il arrive même que certaines voix se revendiquant de la gauche antiraciste reprennent en grande partie un registre argumentatif se confondant avec le langage de la droite réactionnaire, sur un air connu : « l’antisémitisme est au mieux résiduel et le véritable enjeu est son instrumentalisation. Quand il est réel, il est bien sûr condamnable en son principe MAIS sa responsabilité incombe en premier lieu à l’Etat d’Israël, voire aux juifs qui en seraient trop solidaires ou encore aux juifs qui ne seraient pas assez ouverts aux autres victimes de racisme. Écouter la parole des concernés, oui éventuellement, mais pas ceux qui ne partagent pas parfaitement toutes nos convictions et combats ».



En d’autres termes, l’antisémitisme, si et quand il existe, serait en fin de compte principalement quand même la faute des juifs. Dans cette logique, pas besoin d’une mobilisation des forces progressistes.

En tant que juives et juifs de gauche, engagés contre toutes les formes de racisme, ce discours nous révolte. Alors qu’il se prétend fondé sur la convergence de toutes les victimes de racisme, il opère une forme de hiérarchisation entre les différentes formes de racisme (certaines inconditionnelles, d’autres moins), et enfonce un coin dans le discours antiraciste traditionnel de la gauche. Il est de fait le miroir quasi parfait d’autres discours parfois prétendument antiracistes, mais tout aussi réactionnaires : « oui il y a peut-être à la marge du racisme, mais il y a surtout une instrumentalisation d’un prétendu racisme pour empêcher toute critique de l’islam ».

La lutte contre l’islamophobie, la négrophobie ou encore le sexisme n’exige pas que ses victimes soient authentiquement progressistes et laïques avant de s’en alarmer et de le combattre. La lutte contre l’antisémitisme ne doit pas faire exception. Comme l’écrivait Romain Gary, « demander à un arabe, un juif, un noir de modifier son comportement en raison du racisme, c’est du racisme ».

Au-delà du confusionnisme, pour une opposition ferme à l’extrême droite

L’extrême droite s’est notamment construite sur la haine des juifs, son programme et sa vision du monde sont toujours fondés sur l’inégalité entre les êtres humains, le racisme, l’antisémitisme, la haine de l’étranger, l’autoritarisme, le recul des droits des femmes ou des minorités de genre.

Vouloir lutter contre l’antisémitisme et l’isolement des juifs en mettant sur le même pied l’extrême droite et les partis démocratiques de gauche, ou en considérant même ces partis comme plus dangereux et infréquentables, est une faute morale et politique majeure.

Et ce quels que soient les désaccords, les critiques et les déceptions que l’on peut nourrir à l’égard des partis démocratiques de gauche.

Par ailleurs, les juifs de Belgique ne sont pas « que » des juifs : ce sont des femmes, des travailleurs, des citoyens, des enfants d’immigrés, des personnes de tous genres et de toutes orientations sexuelles. Des membres du genre humain, solidaires de tous ceux qui constituent les autres cibles de l’extrême droite.

Nous sommes convaincus que vouloir mobiliser la société belge et bruxelloise contre l’antisémitisme et aux côtés des juives et juifs de Belgique sur une ligne aussi confusionniste représente une autre impasse et occulte les dangers que l’extrême droite représente.

Ensemble

Ensemble, il nous revient de construire une voie fidèle à notre héritage collectif.


Nous voulons être un lieu de ralliement pour tous les juives et juifs de gauche, humanistes ou libéraux progressistes qui souhaitent faire entendre leur voix et prendre résolument part à la lutte contre l’antisémitisme, en sortant de ces impasses et de ces errements politiques. A l’instar du collectif Golem français ou encore du Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et les Racismes (RAAR), nous voulons combattre l’antisémitisme, ses minimisations, son déni et ses justifications, d’où qu’il vienne, y compris à gauche.


Nous sommes également pleinement engagés contre toutes les autres formes de racisme et de haine – et solidaires de leurs victimes. Nous vous croyons. Vous pouvez compter sur nous.

L’antisémitisme a son histoire, ses spécificités, ses propres modalités, comme chaque forme de racisme. Elles ne doivent ni être négligées, ni opposées aux autres formes de racisme. Elles partagent par ailleurs également de nombreuses caractéristiques et croisements. Par conséquent, le collectif Golem récuse aussi bien le choix de la confusion voire de l’effacement des spécificités de l’antisémitisme, que celui de la séparation étanche avec la lutte contre les autres formes de racisme et de haine. Toutes ces luttes doivent être articulées et menées de manière solidaire, main dans la main.

Golem Belgique portera aussi une attention particulière pour « nos frères et sœurs de déportation », la communauté rom, victime encore aujourd’hui d’un racisme puissant et trop négligée. Nous n’oublions pas non plus que nous avons été « étrangers en Egypte », que nous sommes pour la plupart des enfants et des petits-enfants d’immigrés. Nous sommes soucieux du sort et de la dignité de tous les étrangers arrivés en Belgique, avec ou sans papiers, et luttons contre toute forme de xénophobie.

De manière plus globale, nous nous engageons pour une société solidaire, fondée sur les principes d’égalité et de liberté, soucieuse de l’égalité de genre et des libertés sexuelles.

A ce titre, le collectif Golem combat fermement les idées et les organisations d’extrême droite, qui menacent plus que jamais nos sociétés européennes, au pouvoir ou aux portes du pouvoir.

Le collectif Golem a aussi la volonté de secouer, réveiller et mobiliser les partis et organisations de gauche, pour contribuer à mettre la lutte contre l’antisémitisme au cœur de leurs combats et des luttes antiracistes. C’est un enjeu crucial.

Nos amis et nos camarades de gauche doivent prendre conscience que le nuage de l’antisémitisme, comme celui de tous les racismes ou du sexisme, ne s’arrête pas naturellement aux frontières de la gauche. L’antisémitisme n’est pas uniquement l’affaire des autres. Il existe de manière structurelle dans toute la société et donc aussi à gauche. Son caractère structurel explique également la possibilité d’un antisémitisme « sans antisémites ».

Il ne suffit pas de condamner formellement la reproduction de tropes antisémites qui peuvent se manifester parfois dans ses rangs. Comme pour d’autres combats, la gauche doit former ses cadres et ses mandataires ainsi que construire une analyse et une doctrine de l’antisémitisme contemporain ancrées sur ses principes et sa vision du monde.

Plus fondamentalement, il est crucial que les partis, syndicats et organisations de gauche, de même que le mouvement antiraciste, se saisissent pleinement de ce combat, en soient les fers de lance, de concert avec la lutte contre toutes les autres formes de racisme. La communauté juive doit être soutenue, des politiques publiques spécifiques contre l’antisémitisme doivent être élaborées et mises en œuvre à tous les niveaux.

Face à l’épouvantail du « choc des civilisations » agité par l’extrême droite, qui opposerait par essence les musulmans aux « chrétiens » mais aussi aux juifs, et qui gagne du terrain dans d’autres segments de la société, la gauche a une responsabilité majeure. Elle ne peut pas tomber dans le piège du faux dilemme obligeant à choisir l’un ou l’autre.

Si la gauche ne réussit pas à tenir tous les bouts de la corde en même temps – lutte contre le racisme, l’antisémitisme, mais aussi pour les libertés individuelles, un progrès social et environnemental partagé – au nom de ses principes communs et universels, et en construisant des convergences et solidarités, le risque d’un effondrement démocratique de nos sociétés est réel.

Il est temps de se rassembler, de réveiller la gauche, et de lutter contre l’antisémitisme, vraiment !

Golem Belgique rassemble des juives et juifs de gauche, antifascistes, humanistes et libéraux progressistes issus de la communauté juive belge et désireux de créer un espace commun pour se rassembler et lutter contre l’antisémitisme. L’initiative qui revendique son indépendance s’inspire du lancement du Collectif Golem qui a vu le jour en novembre dernier en France pour s’opposer à la présence de l’extrême droite dans une manifestation contre l’antisémitisme et pour mobiliser le plus largement possible, notamment à gauche.

La légende raconte qu’au XVIe siècle, lorsque les juifs et juives de Prague étaient la cible de pogroms, le maharal, rabbin de la ville, sculpta un géant dans la terre et grava les lettres אמת (vérité) sur son front. Alors le Golem s’anima pour repousser les attaques antijuives.

Premiers signataires : Ninon Berman, Jim Dratwa, Sacha Guttmann, Joanna Peczenik, Jérémie Tojerow, Raphaël Boujo, Estelle Cincinatis, Julia Cincinatis, Lola Damski, Sacha Damski, Audrey Elbaum, Julie Flam, Moussia Garelik, Sharon Geczynski, Steve Griess, Lucie Haemers, Nathan Hancart, Sacha Hancart, Sharon Hancart, Elie Jesuran, Noam Kalaï, Yonathan Kreisman, Stéphanie Lecesne, Nora Levy, Alexandre Liebhaberg, Valérie Martinet, Jonathan Moskovic, Emma Nagelmackers, Joachim Olender, Yoram Olesnicki, Hannah Picard, Dan Schreiber, Julien Schreiber, Sasha Soriano, Léa Teper, Jeremy Uhr, Laura Van Praag, David Vidal Bankier, Micha Wald, Max Zalcman, Noa Susskind, Elsa de Laurentiis, Emmanuel Gottlob.

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